Jim et Susan

octobre 21, 2009

Appelons-les Jim et Susan. Jim est portfolio manager dans une grand banque française à New York et a le titre de Vice-President. Susan est aussi portfolio manager dans la même banque et a le titre d’Associate. La différence d’âge et d’expérience expliquent, semble t-il, la différence de titre.

Susan est sportive. Yoga, spinning, pilates, kick-boxing, elle fréquente tous les jours la salle de sport en bas de l’immeuble. Jim, lui, a vingt petits kilos de trop, ne fait pas de sport et l’assume, et il aime le sucre. Mais il a aussi beaucoup de compassion pour les malades affectés de sclérose en plaques. Aussi, quand Susan lui propose de parcourir 30 miles en bicyclette pour soutenir la maladie, il dit banco… et sort son vélo poussiéreux, modèle Peugeot d’il y a vingt-cinq ans.

Tandis que Susan s’entraîne et se prépare à l’événement sur son vélo d’intérieur, Jim parle. De l’événement. Beaucoup. Des vingt-cinq ans sans vélo. De l’envie de monter sur la selle. De l’envie de finir. Sans s’être entraîné. Du tout. Mais il communique, il envoie des e-mails où l’auto-dérision l’emporte, il informe chacun des progrès de sa levée de fonds et répète à l’envi qu’il ne sait pas si son corps va suivre. Mais son trust est prêt, l’assurance décès paiera les études du& bambin de deux ans, il devrait faire beau le jour de la course et… la levée de fonds bat son plein. Même le petit chef, puis le grand chef, se laissent séduire par autant d’amateurisme et mettent au pot. L’objectif de& $1 000 de dons est atteint la veille de la course et l’information abondamment relayée.

Le jour J, nul n’a fait le déplacement pour encourager Jim mais Susan est& là, en forme, joyeuse, pleine d’entrain. Personne n’a non plus fait le déplacement pour Susan. De toute facon, elle ne cherche pas à gagner,puisqu’elle s’est jurée de soutenir Jim dans son entreprise. Elle pourrait partir en tête et le laisser sur le carreau mais alors elle n’aurait pas accompli son objectif de finir ENSEMBLE.

Le début est facile malgré la foule. L’adrénaline a décuplé l’énergie des participants. Mais les miles sont longs, et nombreux. Jim ne se laisse pas désespérer. Il a tellement chanté qu’il ne pourrait pas finir ou même qu’il mourrait, qu’il n’a d’autre choix, au final, que de franchir la ligne d’arrivée. Ce qu’il finit par faire, soutenu jusqu’au dernier yard par la& détermination de Susan.

Le lendemain, Jim arrive fourbu et claudiquant au bureau mais il est accueilli par les oh ! et les ah ! de ses collègues. Il envoie bien vite un e-mail relatant la dureté de la course, l’endurance dont il a fait preuve, la rapidité du vélo neuf qu’il a fini par louer, les détails du parcours, l’aridité des côtes, le soulagement dans les descentes et… le soutien indéfectible de Susan. Le petit chef vient le féliciter d’une franche poignée de main et le grand chef fait de même, accompagnant son geste d’un tapotement sur l’épaule.

Jim et Susan sont tous deux candidats à une promotion cette année mais un seul peut l’obtenir.

Qui l’aura ?